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Sada Tangara

26.09.08 - 19.10.08
Exposition — Fondation d'entreprise espace écureuil pour l'art contemporain

Sada Tangara, Le Grand Sommeil, 1998

© DR. collection Mamco

Né en 1984 à Kaolac (Sénégal), il vit à Dakar.

 

Enfant des rues de Dakar, c'est en 1997, à l'âge de 13 ans que Sada Tangara commence son unique série photographique, Le Grand sommeil. L'histoire commence avec une opération d'aide aux enfants errants organisée par la Maison-école d'art Man-Keneen-Ki, fondée à Dakar par Oumar Sall et Jean-Michel Bruyère. Exposé parmi d'autres jeunes pensionnaires à qui on avait prêté des appareils-photos jetables, Sada Tangara montre un premier état de cette série d'images faites qu'il continue et complexifie dès l'année suivante. Il reçoit le prix Gilles Dusein en 2003. 

 

Comment avez-vous découvert le travail de Sada Tangara  ?

Christian Bernard : Frédéric Roux m'a montré ces images. C'est je crois la seule série photo qu'on ait de lui, et elle forme un ensemble très homogène. Comme s'il était photographe de naissance, alors qu'il n'avait jamais eu d'appareil entre les mains, Sada Tangara montre immédiatement un sens du cadre et de la lumière absolument saisissant. Il photographie ses frères, ces jeunes parmi lesquels il vivait, la nuit, quand ils sont endormis. C'est-à-dire dans le moment de leur plus grande fragilité. Ces êtres qui ne survivent qu'en se faisant choses, notamment par la prostitution, sont ici saisis comme des choses, voire des empilements de choses. Mais sans aucun pathétique de l'image : ce sont des corps durs, endoloris, dans la torpeur de l'épuisement.

 

Comment cette série s'inscrit-elle dans votre programmation du Printemps de septembre ?

Elle trouve sa cohérence dans une sorte de triangle que ces images forment avec celles d'Hannah Villiger et de Maud Fässler. Quelque chose comme une pratique de l'image comme salut devant la mort. Ce sont trois regards sur le corps sans sujet: les enfants de Dakar endormis et presque minéralisés par Sada Tangara, les autopsies désacralisées de la jeune photographe suisse Maud Fässler, les autophotographies désérotisées, désubjectivées où Hannah Villiger use de son corps comme objet et instrument de sa sculpture, pour en finir avec le regard masculin posé sur le corps féminin dans l'histoire de l'art. Trois cas où les corps sont dans l'horizon du répulsif ou de la défascination, et échappent à la marchandisation, symbolique ou réelle.